mercredi 4 août 2010

Dracula et l’époque victorienne

L’époque victorienne doit son nom au long règne de la reine Victoria (1819-1901). Cette période historique est marquée par la personnalité de la reine : orgueilleuse, puritaine, stricte et rigoriste, elle incarne l’archétype qui influence le cadre social de la société britannique.

Ce carcan social provoque l’éclosion d’échappatoires accessibles aux plus nantis : les sociétés secrètes foisonnent, l’opium, le laudanum, l’alcool et le sexe deviennent de véritables divertissements (interdits). La bienséance et l’hypocrisie habitent le jour et la débauche hante l’obscurité.

Les artistes se rebiffent et l'époque sera témoin d’un foisonnement artistique puisant dans l’imaginaire des mythes et des légendes de toutes les époques et de toutes les régions. En peinture, le mouvement préraphaélite (1848) s’oppose au conformisme académique enseigné à la Royale Académie et se tourne vers les primitifs italiens, prédécesseurs de Raphaël, qui travaillaient avec une liberté créatrice, inspirée de sujets historiques et bibliques.


En prose, la littérature fantastique, fille de la littérature gothique de par son penchant pour les éléments macabres tels que château hanté, cimetière, paysage nocturne, tempête et sorcière, se démarque par l’apport d’éléments surnaturels dans des contextes extrêmement réalistes.

Roman fantastique, Dracula de Bram Stoker (1897) se compose de journaux intimes (Jonathan Harker, Mina Murray), de notes (Dr John Seward) et de télégrammes (Abraham Van Helsing et Comte Dracula). L’assemblage ingénieux des divers documents oblige le lecteur à se faire une construction mentale du récit. L’angoisse du lecteur est liée au malaise ressenti face à l’incapacité d’établir une image claire du personnage principal.

Le roman de Stoker se glisse aisément dans la société victorienne; la moralité est sauve, les héros combattent le mal incarné par une créature non humaine. Mais celle-ci, agissant hors des normes sociales, permet à l’auteur de sublimer des sujets tabous tels que la sensualité et la sexualité; Dracula perce d’innocentes victimes de ses longues canines et se repait goulument de sang frais, Lucy Westenra agonise langoureusement, presque lascivement, suite aux multiples morsures du vampire. Et les victimes sont incapables de résister au pouvoir de séduction de Dracula; la vertueuse Mina, incarnation même de la femme victorienne chaste et puritaine, est conquise par le mal.


Selon l’écrivain Bram Stoker, la force du mal est de nous faire croire qu’il n’existe pas. Le mal est éternel et s’immisce dans toutes les sociétés, même les sociétés les plus puritaines.

Réf. :POZZUOLI, La bible de Dracula, Dictionnaire du vampire, Le pré aux clercs, 2010, et VILLENEUVE, Dictionnaire du diable, Omnibus, 1998.

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