dimanche 9 mai 2010

Les origines des teintures noires

Porter du noir, remonterait à la naissance de l’humanité. Le noir de charbon et le noir de fumée furent les premiers pigments utilisés pour ornementer les cavernes, pour marquer la peau de signes ou de tatouages qui devinrent de plus en plus complexes avec l’avancement des civilisations. La teinture noire daterait en fait du néolithique. Les hommes remarquèrent dès cette époque, que leurs bâtons de bois se teintaient de noir lorsqu’ils étaient en contact avec la vase (présence d’oxydes de fer). On sait que les tanins qui aident à fixer les couleurs sont présents dans certaines essences d’arbres comme l’aulne, le châtaigner, le noyer et le chêne qui interagissent avec les oxydes présents dans la terre pour produire une coloration. Le noir au tanin de fer serait ainsi le plus ancien colorant appliqué aux textiles.

Les techniques de teinture varièrent beaucoup selon les cultures. Au Japon on frottait les textiles avec de la suie, du pollen ou encore des terres plus ou moins oxydées. Les teintures obtenues grâce à ce procédé, ne duraient pas et étaient très inégales. On arriva à un meilleur résultat en mélangeant les pigments avec une pâte de graines de soja moulues, qui fixa la couleur pour une courte période.

L’ethnie amérindienne des Auracans teignait ses tissus d’un noir profond, dans de grandes marmites où on y incorporait du noir de fumée, mais cette méthode produisait des textiles qui se décoloraient rapidement. Au Zaïre les femmes mbuti, recueillaient la suie sur les marmites pour en colorer leurs pagnes et en fixaient la couleur avec du jus de fruit plus acide.
En Afrique on a utilisé beaucoup le noir de fumée ou le charbon, mais le procédé utilisé tenait plus de la peinture que de la teinture qui effleurant les fibres des tissus. De nombreuses plantes furent exploitées pour teindre en noir. Les gousses de gommier utilisées en décoction produisaient un noir dense et bitumineux, les écorces de lianes et d’acacia et aussi les oxydes de fer mélangés à des farines de mil fermentées. Dans les mondes arabes, les teinturiers travaillaient leurs techniques tinctoriales en mélangeant de la noix de galle avec des sulfates de fer ainsi que de la sève de pistachier térébinthe ou du jus d’écorce de daphné agrémenté de jus de grenade.
En Amérique du Nord, les Cris ornementèrent leurs vêtements à l’aide des piquants de porc-épic noir qu’ils coloraient ensuite de diverses couleurs. Des teintes plus profondes de noir étaient obtenues grâce à des décoctions de noir de charbon. Les femmes Cree écrasaient les fibres pour ensuite les tresser de différents motifs. Chez les Navajos on bouillait des feuilles et des écorces de sumac durant de longues heures pour ajouter à la toute fin de l’ocre pilé et des pignons de pin.
En Asie, ce sont les fruits du tamarinier qui ont coloré de noir les tissus et les soies. La noix de galle fut de façon générale le végétal le plus consommé dans les pays asiatiques, ont y a ajouté divers mordants et les teinturiers pouvaient à la rigueur, contrôler diverses intensités de gris et de bruns sur certains textiles. On remarque dans la littérature technique, des recettes fabriquées à base de glands de chêne, de brous de châtaigniers avec un mordançage au fer.
En Polynésie, c’est encore le noir de fumée qui ramassé en grande quantité était bouilli avec les tissus et mélangé avec de l’eau croupissante des marais.

En Occident, les teinturiers eurent beaucoup de difficultés à obtenir des noirs profonds, uniformes qui résistaient aux lavages et au temps. La laideur des tissus était telle que ces textiles n’étaient dévolus qu’aux humbles. La seule substance coûteuse qui donne un beau noir : la noix de galle (provenant du chêne). C’est à partir de la Renaissance qu’on leva l’interdit de réutiliser les bassins de teintures non entamées, ainsi on s’aperçut qu’en préteignant en bleu (pastel ou indigo), en brun ou en rouge, on obtenait davantage des noirs profonds et uniformes. On remplaça graduellement cette technique onéreuse en extrayant les tanins du bois de campêche, c’est alors qu’on obtint finalement de beaux noirs. C’est dans première moitié du XIVe siècle que les lois et les décrets se multiplièrent pour obliger la population à se vêtir de noir.
Au XVIIIe siècle, les teintures noires se sont tellement améliorées que l’on compte plus d’une quarantaine de variétés de tons tels que : gris de sauge, gris de Maure, couleur de rat, singe mourant et Espagnol malade.
Mais ce qu’il faut souligner pour nos recherches, c’est que le XIIIe fut le siècle où le noir apparût le plus souvent dans la classe modeste, car, le bleu venant du pastel et de la guède devint populaire chez les plus nantis. Porter du noir devint donc pour les gens de religions une façon de démontrer leur humilité face aux richesses de ce monde.
Réf. : VARICHON, Couleurs, pigments et teintures dans les mains des peuples, Seuil, 2000.

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